Les États-Unis d’Amérique ont choisi Joe Biden pour devenir leur 46ème président. Ils ont mis fin au mandat de Donald Trump, un président qui aura tant exacerbé les divisions dans ce pays. Alors qui est Joe Biden ? En plongeant dans sa vie, on observe certes une carrière politique remplie, mais aussi une existence émaillée de tant d’épreuves personnelles et familiales qu’on pense davantage à la marche forcée d’un homme dont l’éclatant sourire cache beaucoup de souffrance. Joe Biden est le second catholique à accéder à la Maison Blanche, après un certain John Kennedy.
L’homme de toutes les épreuves
Joseph Robinette Biden Junior ou Joe Biden est né le 20 novembre 1942 dans l’État de Pennsylvanie. Au passage, Robinette est le nom de jeune fille de sa grand-mère paternelle, descendante d’immigrés huguenots français. La famille Biden est de la classe aisée de leur milieu local. Très vite, alors que Joe n’a pas encore dix ans, son père connaîtra plusieurs échecs professionnels qui l’obligeront à déménager toute la famille et à commencer une nouvelle vie dans l’État voisin du Delaware. Adolescence, études universitaires puis l’entame d’une carrière politique, Joe Biden va devenir pendant des décennies l’une des figures emblématiques de ce petit État coincé entre la Pennsylvanie et le Maryland. Le Delaware est connu aujourd’hui pour être un efficace paradis fiscal, situé pourtant à moins de deux heures en voiture de la capitale Washington. En 2008, quand il est choisi pour devenir vice-président de Barack Obama, il en était le sénateur. En quittant la Maison Blanche il y a plus de trois ans et demi, il clôturait déjà près de 50 ans d’engagement politique.
Sur le plan personnel, Joe Biden rencontre puis épouse en 1966 sa première femme alors qu’il était encore étudiant en droit à l’Université de Syracuse, dans l’État de New York. Six ans plus tard, un terrible accident de voiture emporte sa femme Neila et sa fille Naomi âgée d’un an. Ses deux garçons sont grièvement blessés mais survivront. Veuf à trente ans, il doit les élever tout seul alors qu’il vient juste d’être élu pour la première fois sénateur. Une célèbre photo le montre prêtant serment dans la chambre d’hôpital de ses deux garçons.
Le consolateur en chef
La perte de sa femme et de sa fille est le début d’une série de dures épreuves personnelles pour Joe Biden. Dans un portrait que dresse de lui Michael Kruse dans Politico, le journaliste décrit comment « la souffrance est devenue la ’superpuissance’ de Joe Biden ». Kruse écrit : « Il n’y a aucune personne dans la sphère politique américaine dont la vie a été autant formatée par la douleur et la perte de ceux qui sont chers. La longue carrière politique de Biden a toujours été entourée de tragédie ». Ces épisodes douloureux vont donc faire de Joe Biden celui vers qui l’Amérique regarde en cas de malheur. Il saura réconforter, parler aux à ceux qui, dans une Amérique sur-armée et qui ne compte plus les fusillades, vont perdre un père, une mère ou un enfant. Par exemple, quand en 2012, dans la ville de Sandy Hook dans le Connecticut, 28 personnes dont 20 enfants sont massacrés, il est de ceux qui sont en charge de parler aux parents. Tous ceux à qui il parlera alors le reconnaitront : Biden sait de quoi il parle, tout simplement parce qu’il a eu lui-même une expérience aussi affreuse. Il sait, par son deuil passé, faire passer le message qu’il faut. On le surnommera même le « consolateur en chef ». Remarié avec une professeur d’anglais, Jill Jacobs, Joe Biden a eu une fille avec elle. Jill Biden sera de plusieurs combats auprès de lui, jusqu’au rôle de seconde dame pendant les deux mandats Obama – Biden.
Un président normal
Joe Biden va connaître un autre drame familial en 2015. Son fils aîné Beau, qui avait survécu à l’accident de voiture de 1972 meurt d’un cancer du cerveau. Non seulement, Beau marchait sur les pas de son père pour faire de la politique mais était l’homme le plus proche de Joe. Le vice-président montre alors une résistance et une force qu’il dit avoir consolidées du deuil, après la mort de sa première femme et de sa fille, quarante trois ans plus tôt. Après son départ de la Maison Blanche en 2017, Biden va totalement s’investir dans la lutte contre le cancer. Il récolte des fonds et finance des hôpitaux. Mais le bénévolat sera de courte durée. Il est poussé dès le début des primaires démocrates pour contrer les candidats du camp progressiste, les sénateurs Bernie Sanders et Elizabeth Warren.
Les États-unis, dit-on à Joe Biden, ne sont pas prêts pour un président « socialiste ». « Aujourd’hui, l’Amérique a besoin de calme, de normalité», comme le dit l’historien et biographe des présidents, Jon Meacham. Tout au long de sa campagne pour cette élection, Biden n’aura de cesse de faire comprendre au peuple américain qu’il est ce président « normal », décent qui va apaiser, consoler un pays emporté dans un tourbillon politique « trumpien » sans précédent. Et pour cela, il y a cet homme qui sait de quoi il parle quand il s’agit de réconforter. Demandez aux centaines, sinon aux milliers de personnes meurtries, désespérées, souvent en deuil que sa voix douce et son ton lent ont calmées. Un antidote qu’il faudra administrer à haute dose à un pays également ravagé par l’épidémie du Coronavirus. L’échec du président sortant à y faire face est évident : le pays compte des centaines de milliers de morts et des millions de personnes infectées. Certes, l’Amérique a besoin d’être consolée, mais selon Joe Biden, elle a surtout besoin d’être guidée en ces moments. Mais pour qu’elle le soit, et comme le martèlent les porte-paroles du candidat, il faut d’abord qu’elle soit apaisée. Joe Biden aura 78 ans le 20 novembre prochain, deux mois jour pour jour avant qu’il ne revienne dans cette Maison Blanche qu’il a quittée il y a quatre ans.
Moktar Gaouad