Les États-unis sont de loin le pays le plus touché par l’épidémie du Covid-19. À ce jour, trois millions d’américains en ont été infectés et cent trente mille y ont succombé. Et selon leurs propres agences de santé, ces chiffres sont largement sous-estimés. Comment la première puissance mondiale est-elle incapable de faire face alors que d’autres pays ont jugulé le fléau ? S’agit-il d’un manque de moyens, d’impréparation, d’inefficacité de son système de santé ? Ou s’agit-il d’autre chose ?
Les vidéos de comportements d’américains irascibles face au Coronavirus pullulent dans les médias et les réseaux sociaux. Nous en avons tous regardé. Nous avons vu ces femmes et ces hommes hystériques refusant de porter un masque ou de se mettre à distance et le criant bien fort. On peut rester certainement hanté par l’image de cette femme qui a détruit un chariot entier de courses parce qu’on lui demandait de mettre un masque dans le magasin, par la vidéo de cet homme étalant exprès sa salive sur le comptoir d’une chaîne de restauration à emporter, ou celle de cette femme qui toussait exprès sur un bébé et sa mère sur une terrasse en Californie. Et j’en passe. Ces gens-là, comme des millions d’américains crient haut et fort que le Coronavirus est une « arnaque » et une « imposture ».
Bien plus que dans le reste du monde, le doute s’est installé dans une bonne partie des États-unis vis-à-vis du virus. Et malgré que leur pays continue d’en payer le plus lourd tribut, rien n’y fait. Il y a toujours cette même résistance face aux faits. Ces mêmes vidéos de fêtes organisées exprès pour narguer les « peureux » et « les moutons », qualificatifs qu’utilisent ceux qui ne croient pas au virus pour parler de ceux qui le craignent et qui s’en protègent.
Le politique infecte le Covid
Dès l’arrivée du virus au pays, l’Amérique s’est divisée suivant ses lignes politiques classiques. Au plus haut sommet de l’État, le président Trump a choisi la politisation d’une affaire qui, ailleurs dans le monde, est souvent restée du domaine sanitaire. Il a été soutenu dans sa stratégie par nombre de gouverneurs d’états républicains et par certains médias conservateurs dont la très influente chaîne de télévision Fox News. Le président et ses alliés ont très tôt commencé à inculquer le doute quant à la dangerosité du virus pour garder le pays en fonction. Dans cette année d’élection présidentielle, Trump sait que son bilan économique est un facteur important pour sa réélection. En écho, au niveau des états, plusieurs gouverneurs républicains ont suivi la volonté du président Trump en refusant d’imposer les consignes protectrices et de confiner leur population, à l’opposé des mesures prises par les gouverneurs démocrates. Ainsi donc, comme souvent aux États-unis, le politique est venu perturber l’action collective.
Il y a certes l’économie qu’il fallait coûte que coûte défendre. Mais il y a surtout la réaction, d’une partie de la population, à toute mesure perçue comme atteinte à la sacro-sainte liberté. En refusant de se plier aux injonctions qui ont suivi l’expansion du Covid-19, les républicains disent défendre « le principe intangible de la liberté individuelle ». C’est ce que résume cette déclaration souvent répétée du vice-président Mike Pence : « Même en période de crise sanitaire, le peuple américain ne devrait pas abandonner les droits que lui donnent la Constitution ». Pendant que la Californie et New York affrontaient la première vague, les États républicains s’empressaient de continuer ou de réouvrir leurs activités. Le Gouverneur du Texas, Greg Abbott le justifiait ainsi : « On veut être sûr que les libertés individuelles ne sont pas violées. Par conséquent, le gouvernement ne peut imposer aux individus des mesures, comme porter des masques ». Il devient donc clair que démocrates et républicains voient le Coronavirus et ses conséquences différemment. Le site web politique FiveThirtyEight a sorti les chiffres l’illustrant : 84% des républicains approuvent l’action de Trump face au Covid-19 contre seulement 14% des démocrates.
L’épidémie hors de contrôle
Selon un autre décompte fait récemment par le NewYork Times, sur vingt-neuf États qui ont réouvert très tôt, vingt-deux ont des gouverneurs républicains. Sur vingt-et-un États qui ont eu des mesures de confinement strict, dix-huit ont des gouverneurs démocrates. D’ailleurs, c’est dans les États démocrates où l’on observe que les populations appliquent dans leur majorité les consignes données par les autorités sanitaires. Et même quand la pandémie semble devenir hors de contrôle dans le pays, les clivages demeurent. Toujours selon le site web politique FiveThirtyEight, 32% des républicains veulent desserrer les mesures de confinement et seulement 3% des démocrates sont du même avis. Les républicains suivent largement les indications et prises de position de Trump qui dénonce la paralysie du pays et veut justement « desserrer ». Le virus politique a eu raison de l’approche sanitaire alors que l’épidémie ne s’arrête pas. Dorénavant, chaque jour, près de 50 000 américains sont infectés par le Covid-19 et des centaines d’autres en meurent. Sans distinction d’obédience politique. Évidemment, les victimes se comptent aussi bien chez les républicains que chez les démocrates.
Moktar Gaouad
Très bel article, et en même temps pas rassurant de voir la politisation faite autour de cette crise sanitaire aux États-Unis. Porter u. Masque n’est aucunement une atteinte à la liberté individuelle. Juste une question de bon sens pour endiguer cette pandémie.
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Description saisissante de l’Amérique.
Les citoyens américains qui ne croient pas au danger du coronavirus, que pensent-ils du 9/11 ?
Ca mérite un sondage Gallup …
Non ?
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Le politique infecte le COVID. Je pense que vous êtes le premier à l’utiliser. Bravo pour cet article.
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Felicitations, mon cher Moktar.
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